Col EMG Stefan Holenstein, président SSO. ASMZ-édition 05-2021
Le rapport sur les projets du DDPS publié le 1er avril 2021 retrace l’évolution des projets les plus importants de façon à la fois intelligible et transparente, comme ceux qui l’on précédé depuis 2017. Cela permet un suivi des projets sur la durée. La Société suisse des officiers (SSO) estime que beaucoup d’entre eux sont en bonne voie, mais elle s’inquiète des graves problèmes frappants certains autres.
L’Office fédéral de l’armement, armasuisse, est la cheville ouvrière des acquisitions. Il procède sur mandat de l’État-major de l’armée (EM A), lequel définit les exigences militaires en fonction de la conduite stratégique de l’armée. Une fois le projet d’acquisition arrivé à maturité, il est inclus dans un programme d’armement soumis au Parlement. Le fait que l’évaluation des « projets phares DDPS » soit globalement moins bonne que l’année précédente inquiète la SSO. Sur vingt-trois projets, huit suivent la planification établie, sept répondent partiellement aux critères et huit « de justesse » seulement.
Nouveaux retards pour le drone de reconnaissance et le mortier 16
Selon le rapport du DDPS, le terme des deux projets d’acquisitions à problèmes – le système de drone de reconnaissance 15 (ADS 15) et le mortier 12 cm 16 – est encore reporté. Les six ADS 15 (250 millions de francs), qui devaient entrer en service en 2019 déjà, font toujours face à des problèmes liés tant au développement du produit, notamment de son moteur diesel, qu’à une sous-estimation de l’ampleur de la procédure de certification. Le chef de l’armement, Martin Sonderegger, prévoit un retard global de trois ans. Cela signifie que les nouveaux drones n’entreront en service que pas avant la mi-2022. Encore plus inquiétant que le cas de l’ADS 15, celui du mortier 16 : l’avancement du projet est insatisfaisant, cela tant du point de vue de la SSO que de l’une de ses plus importantes sociétés d’armes, la Société suisse des officiers de l’artillerie (SSOART). L’État-major de l’armée a émis la déclaration d’aptitude à la troupe sous certaines conditions : la capacité tout temps, en l’occurrence celle de pouvoir tirer sous la pluie, doit encore être vérifiée et certifiée. Aussi, à défaut de 2022 comme prévu, ce n’est qu’en 2026 que le mortier 16 entrera en service pour combler une importante lacune capacitaire de nos forces terrestres.
Renforcer armasuisse et l’industrie de sécurité et d’armement
La SSO considère qu’il est essentiel pour la souveraineté et la neutralité de notre pays que la disponibilité opérationnelle de l’Armée suisse soit assurée de manière aussi autonome que possible, et indépendante de l’étranger. La Suisse doit continuer à disposer de compétences dans la fabrication d’équipements de sécurité et d’armements. Les relations entre armasuisse et RUAG MRO doivent se renforcer. RUAG n’a plus développé et amené au stade de la production en série un canon depuis de nombreuses années. Cela constitue un élément d’explication de l’incapacité à estimer l’effort à fournir pour mener à bien le projet du mortier 16. En outre, armasuisse a considérablement fondu ces dernières années. Le rapport sur les projets phares du DDPS confirme d’ailleurs cette tendance délétère pour la conduite des projets : les ressources en personnel sont jugées « rares » pour bon nombre des vingt-trois projets d’importance. Il est évident qu’il faut agir dans ce domaine.
En principe, la Suisse dispose toujours de processus d’acquisition professionnels. L’analyse externe confiée à l’entreprise Deloitte SA par le DDPS en automne 2019 révèle que les processus actuels fonctionnent bien dans l’ensemble, y compris en comparaison internationale. La SSO soutient la recommandation de Deloitte SA de créer un organe de pilotage des acquisitions placé à l’interface entre armasuisse et l’État-major de l’armée.
Message sur l’armée 2021 : dépenses de 2,3 milliards de francs et cinq priorités
Le Conseil fédéral a approuvé le message sur l’armée 2021 le 17 février dernier. Il demande au Parlement des crédits d’engagement d’une hauteur de 2,3 milliards de francs. Une grande partie des moyens financiers, soit 854 millions de francs, sera affectée au programme d’armement, selon les cinq priorités suivantes : 60 véhicules de combat d’infanterie à roues Piranha IV pour 360 millions de francs ; des systèmes de commandement et de communication étendus pour une communication résistante aux crises (protection contre les cyberattaques) ; l’acquisition d’un nouvel équipement individuel de protection de militaire contre les agents de guerre nucléaires, biologiques et chimiques pour un montant de 120 millions de francs ; le renouvellement de l’infrastructure logistique (rénovation du bâtiment d’ateliers à Berthoud BE) ainsi que la modernisation de diverses infrastructures d’instruction (places d’armes, installations de tir).
Le Conseil fédéral décidera du type d’avion retenu pour Air2030 au début de l’été, avant la tenue du débat parlementaire autour du message sur l’armée 2021. La SSO attend que le Conseil fédéral dans son ensemble tienne compte de tous les aspects pertinents lorsqu’il se prononce sur un avion de combat européen ou américain, et qu’il ne se laisse pas influencer par la politique.