Interview avec Col EMG Stefan Holenstein, Président de la SSO. Publié le 14 décembre 2018 dans Le Temps.
L’arrivée d’une nouvelle cheffe à la tête du Département de la défense enthousiasme les militaires. Président de la Société suisse des officiers, le colonel Stefan Holenstein s’exprime sur le sujet
Le nouveau chef de l’armée suisse est une femme: Viola Amherd. Si bien des pays ont déjà nommé une dirigeante à la tête du Ministère de la défense, notamment la France, l’Allemagne ou encore l’Italie, c’est une grande première en Helvétie. A la tête de la grande muette, la Haut-Valaisanne aura près de 160 000 hommes – et un peu plus de 1000 femmes – sous ses ordres. Au sein d’une armée en grave déficit d’image, son arrivée suscite l’espoir.
Le Temps: Viola Amherd dirigera la Défense suisse. Une bonne nouvelle?
Stefan Holenstein: Comme président de la Société suisse des officiers, et à l’instar d’une très grande majorité de mes collègues, je peux vous dire que les réactions sont positives. Je salue le fait que cette fonction revienne pour la première fois à une femme, c’est un tournant. Viola Amherd dispose d’une chance historique de dépoussiérer et de réorganiser ce département.
Est-ce nécessaire après Guy Parmelin?
Guy Parmelin n’a dirigé le département que pendant trois ans. C’est trop court pour présenter un bilan équilibré. Si je note qu’il a toujours été à l’écoute des demandes de l’armée de milice et qu’il a eu le courage de lancer un nouvel arrêt de planification [le renouvellement des moyens de protection de l’espace aérien, ndlr], presque tous ses projets sont encore en chantier. Et plusieurs scandales resteront: l’affaire des notes de frais, l’abandon brutal du système de défense antiaérienne Bodluv ou encore la suspension inattendue du divisionnaire Stettbacher, le médecin en chef de l’armée.
Qu’attendez-vous de Viola Amherd?
Qu’elle prenne immédiatement son rôle de cheffe et qu’elle adopte une communication proactive avec la population et les membres de l’armée. Une véritable opportunité existe d’installer une nouvelle culture de conduite dans le département. En tant que femme, et en tant que cheffe, elle a l’occasion de donner un nouvel exemple.
Sa féminité représente-t-elle un atout?
En principe, cela n’est pas décisif. Mais le fait qu’elle est une femme peut contribuer à changer l’image de l’armée, qui n’a que 0,7% de femmes, soit le taux le plus bas d’Europe. Alors que nous perdons de plus en plus de recrues masculines, la quantité de soldates augmente. Même si cela ne représente qu’un petit nombre de personnes, et qu’elles ne pourront pas combler le manque d’hommes, les femmes qui s’engagent disposent toutes de grandes qualités. Mme Amherd peut contribuer à susciter des vocations militaires chez les femmes suisses et – c’est peut-être le plus important – elle peut les sensibiliser aux enjeux des prochaines votations, cruciales pour l’armée. Il faut les convaincre de voter dans son sens, nous parlons de plus de 50% de la population!
Qu’en est-il des autres dossiers en suspens?
L’arrêt de planification de l’armée nécessite une réaction rapide et efficace. A l’heure actuelle, même les partis bourgeois sont dubitatifs. Il est impératif de recueillir une majorité et de trouver une solution. J’espère en outre que Viola Amherd redorera le blason du Département de la défense, qui est largement sous-estimé. Ce n’est pas la cinquième roue du carrosse! Outre l’armée, le service regroupe la protection de la population et les services de renseignement. Ses tâches sont primordiales pour la stabilité et la prospérité de notre pays. On l’a vu à Strasbourg il y a quelques jours, le terrorisme n’est pas très loin.